Il y a bien longtemps, mon père m'avait raconté qu'à Montbrehain, pendant la guerre de 1914 - 1918, on payait les
commerçants avec des " tickets " qui remplaçaient les pièces de monnaie. Ce détail m'était totalement sorti de l'esprit jusqu'au jour où nous avons retrouvé un " Bon Municipal de
un franc " émis par la commune de Montbrehain, daté d'octobre 1914 (voir la reproduction ci-contre). Ceci mérite bien quelques explications.
Avant la Grande Guerre, tous les échanges de monnaie entre les particuliers, les commerçants et les employeurs
s'effectuaient en argent liquide, essentiellement avec des pièces de monnaie. Dans les mois qui ont précédé la
déclaration de guerre, la Banque de France a réduit considérablement le nombre de pièces afin de diminuer la masse monétaire en circulation dans le pays, ceci pour financer l'effort de guerre.
Parallèlement, beaucoup de particuliers ont décidé de conserver dans leurs " bas de laine " une plus ou moins grande partie de leurs économies pour les ressortir une fois la guerre terminée. Le
résultat fut que dès le début de la guerre, la pénurie de pièces de monnaie risquait de bloquer la vie de tous les jours en interdisant tout commerce vital pour les habitants.
Dans ce contexte, la Banque de France a autorisé certaines institutions à mettre en circulation des billets ou des
pièces de remplacement, monnaies qui seront échangées une fois la guerre terminée contre des francs. Cette " monnaie de nécessité ", selon l'expression consacrée, sera largement utilisée dans les
régions occupées par les Allemands car la pénurie de pièces de monnaie a été aggravée par les nombreux vols d'argent liquide commis par les soldats ennemis.
Etaient autorisés à émettre une telle monnaie les municipalités, les caisses d'épargne, les banques, les chambres de commerce, les industriels et les commerçants. Même les petits commerçants
pouvaient émettre cette monnaie : ainsi, nous avons découvert que l'épicerie Marlier-Eloire de Beaurevoir avait eu cette autorisation.
Extrait de : http://a.gouge.free.fr/
A Essigny-le-Petit, l'émission des bons a été autorisée par délibération du conseil municipal du 4 mars
1915.
Tous ces bons avaient l'aspect du bon municipal de
50 centimes reproduit ci-dessus. Sur ces bons municipaux devaient figurer la valeur en centimes ou en francs, bien évidemment, mais aussi la date de la délibération du conseil municipal
décidant l'émission, le nom du maire et la date prévue pour le remboursement, dans le cas présent, dans les 6 mois qui suivront la signature de la paix.
Ces bons étaient reliés dans des carnets à souche et le tampon de la mairie était apposé à cheval sur la souche et
sur le bon qui était alors détaché. C'est vraisemblablement cette présentation en carnets à souche qui a fait que les habitants ont appelé les bons des " tickets ".